Número 1, 2015 (1), artículo 3


Rivalité mimétique dans la relation maître-disciple


Agustín Moreno Fernández

Universidad de Granada




RESUMEN
La teoría mimética identifica problemas ligados a las relaciones interpersonales. Aquí abordamos algunas disfunciones -principalmente la rivalidad mimética-, que pueden presentarse en las relaciones entre docentes y discentes, en tanto que los primeros ejercen de modelos de imitación para los segundos (aunque también sucede lo contrario).


TEMAS
antropología · educación · intersubjetividad · René Girard · rivalidad mimética · teoría mimética



1. Problématisation

1.1. Désir d’être et médiations externe et interne

La conception girardienne du désir mimétique et triangulaire nous jette la lumière sur l’identification des difficultés dans la relation maître-disciple (1), lesquelles peuvent supposer un obstacle invisible pour nous. Le désir du sujet est de devenir le modèle et donc obtenir ce que le modèle a, pour être comme lui (c’est aussi le mécanisme publicitaire). Le désir est désir d’être, d’être comme les autres, avant que désir objectal et comprendre le "désir c’est comprendre que son égocentrisme est indiscernable de son altérocentrisme" (Girard 2008: 56).

Il est pertinent de rappeler ici les types de médiation intersubjective chez Girard:

"Nous parlerons de médiation externe lorsque la distance est suffisante pour que les deux sphères de possibles dont le médiateur et le sujet occupent chacun le centre ne soient pas en contact. Nous parlerons de médiation interne lorsque cette même distance est assez réduite pour que les deux sphères pénètrent plus ou moins profondément l’une dans l’autre. Ce n’est évidemment pas de l’espace physique que mesure l’écart entre le médiateur et le sujet désirant. Bien que l’éloignement géographique puisse en constituer un facteur, la distance entre le médiateur et le sujet est d’abord spirituelle. Don Quichotte et Sancho sont toujours physiquement proches l’un de l’autre mais la distance sociale et intellectuelle qui les sépare demeure infranchissable. Jamais le valet ne désire ce que désire son maître. Sancho convoite les victuailles abandonnées par les moines, (…) d’autres objets encore que Don Quichotte lui abandonne sans regret. (…) La médiation de Sancho est donc une médiation externe. Aucune rivalité avec le médiateur n’est possible" (Girard 1961: 41).

Cependant, dans notre contexte, la situation est différente. Le possible objet disputé est le savoir, ainsi que le rôle d’être celui qui : sait ce qu’il faut savoir, qui est capable d’évaluer et corriger les autres, qui doit être écouté par les autres, qui doit diriger une recherche. Et le maître ou le professeur n’est pas le héros d’un roman, un acteur célèbre ou quelqu’un qui est trop loin de nous pour ne pas pouvoir devenir au-delà d’un simple modèle extérieur un rival proche. Son objet, le savoir, peut être désiré par les autres pour être comme lui. De plus il est difficile d’établir des différences très fortes entre le maître et le disciple, et donc une médiation externe (comme la relation d’imitation que nous pouvons avoir par rapport à notre auteur célèbre préféré qui est loin de nous dans plusieurs sens). Puisque ici l’objectif est en quelque sorte que le disciple apprenne à être le maître et, à la fin du processus peut être un autre maître, un "pair".      

 

1.2. Double bind ou "injonction double et contradictoire" (Ramond 2005: 50)

Le prestige du médiateur se transfère à l’objet désiré, le savoir, le rôle de celui qui est supérieur et celui qui sait. Au-delà de la valeur que le savoir a par lui-même, le désir triangulaire est le désir qui transfigure l’objet en lui donnant une valeur illusoire (Girard 1961: 47). Même si le maître a encouragé l’imitation, il est surpris de la concurrence dont il est l’objet et il peut penser que le disciple l’a trahi. Le disciple, fasciné par son modèle, peut se croire condamné et indigne à l’avis de son modèle "de participer à l’existence supérieure dont il jouit lui-même" (Girard 1972: 474). En même temps le prestige et l’autorité du modèle augmentent et nous pouvons avoir ainsi l’union de la vénération la plus soumise et de la rancune la plus intense. Le disciple est fasciné par son modèle et il ne peut que voir dans l’obstacle que l’autre lui oppose une volonté mauvaise. Car, comme Girard dit, seul celui "qui nous empêche de satisfaire un désir qu’il nous a lui-même suggéré est vraiment objet de haine" (Girard 1961: 42 et 81).

Nous sommes en train de parler du "double impératif contradictoire" ou "double bind " (2). La relation d´obstacle maître-disciple n’est qu’un cas particulier. Mais personne ne peut obéir à l’impératif "imite-moi", et presque en même temps à l’impératif "ne m’imite pas". Ces ordres contradictoires vont faire naître dans l’autre le désespoir et la dépendance, et sûrement d’une manière involontaire (Girard 1972: 476).

Le disciple peut considérer le médiateur comme le responsable de la rivalité. Et c’est là où nous trouvons une autre contradiction : en même temps que le disciple déprécie tout ce qui vient du médiateur (Girard 1961: 42-43), il désire de plus en plus dérober au médiateur le "secret merveilleux" de l’autonomie, de l’autosuffisance, du savoir. Et c’est le maître lui-même qui est l’obstacle de son propre désir (Girard 1961: 80).

 

1.3. Médiation interne ou double médiation

Alors, nous ne pouvons pas parler seulement du double bind, mais aussi de la double médiation qu’il y a entre le maître et le disciple, qui sont devenus chacun comme l’autre. Ils sont un modèle qui est disciple, parce qu’il vois chez son disciple un modèle pour mieux désirer ses propres objets de désir et donc un disciple qui est devenu aussi modèle (Girard 1972: 474). Ils sont dans une relation d’imitation réciproque et symétrique. La souffrance et la vanité caractérisent la médiation double (Girard 1961: 115).

Le disciple s’efforce en suivant les désirs désignés par l’autre et il se confronte avec la violence du désir rival du modèle. Il ne peut que voir l’union du désir et la violence qui, désormais, signifie le désirable par excellence, l’autosuffisance divine et inaccessible (3), le signe du "véritable être" qui se résiste à partager son "secret".

 

2. Des pistes de remédiation: repenser l’autonomie

Est-ce qu’il y a quelque chose que nous pouvons faire par rapport à une possible relation maître-disciple qui est devenu problématique en ce qui suscite la rivalité ? Nous pouvons essayer quelques pistes de remédiation.

 

2.1. Prise de conscience et  "conversion"

D’un côté, peut être prendre en compte et avoir conscience de notre mimétisme peut nous aider à ne pas succomber à la pression mimétique (Girard 2008, 93), encore : "seule la compréhension des dangers de l’imitation nous permet de penser une authentique identification à l’autre" (Girard 2007b: 11). Si nous suivons l’exemple des romanciers étudiés par Girard, on peut voir que personne n’est libre des attaques du désir mimétique mais personne, non plus, n’y est condamné définitivement. C’est aussi la lutte intérieure du romancier (Girard 1961: 130).

Mais pour comprendre correctement la théorie mimétique il faut une "compréhension existentielle" (Girard 2004: 225). Un aspect mis en valeur par Schwager, qui dit que chez Girard la conversion (4) est première et la connaissance seconde : "Raymund Schwager a très bien vu que l’adoption de la théorie nécessitait une conversion préalable, parce que l’essentiel pour chacun est de prendre conscience de son propre désir mimétique" (Girard 2001: 51). Il faut accepter que, au contraire de l’avis de l’individualisme moderne, le désir n’est pas libre et autonome. Ça veut dire : se reconnaître imitateur des autres et participant aux mécanismes de bouc émissaire. Autrement dit, d’une manière plus exigeant :

"Pour qu’il y ait progrès, même minime, il faut triompher de la méconnaissance victimaire dans l’expérience intime et ce triomphe, pour ne pas rester lettre morte, doit entraîner l’effondrement ou tout au moins l’ébranlement de tout ce qui est fondé sur cette méconnaissance de nos rapports interdividuels, et par conséquent, de tout ce que nous pouvons nommer notre "Moi", notre "personnalité", notre "tempérament", etc. Les grandes œuvres, en conséquence, sont rares" (Girard 1978: 1168).

En tout cas, Girard insiste sur le fait que ce n’est pas facile d’acquérir une "indépendance" par rapport au mimétisme. Il faudrait une grande capacité de résistance aux forces mimétiques et l’immunité au mimétisme serait "une virtus rare et précieuse entre toutes" (Girard 1985: chapitre III).

 

2.2. Repenser l’autonomie dans la relation maître-disciple        

D’un autre côté, à notre avis, il est nécessaire repenser la manière dont nous comprenons les modèles d’autonomie. Girard nous rappelle que la situation la plus faible et difficile est la situation du disciple. Le maître devra ne pas permettre que l’objet du savoir puisse devenir un objet transfiguré et susceptible d’être désiré dans le mauvais sens déjà exprimé. Le maître peut se profiter lui-même comme un modèle à être désiré par les disciples mais pas comme un être supérieur, impossible d’atteindre. Il est là pour aider à l’autre et être un bon médiateur, en montrant qu’il ne cache rien qui puisse être le secret d’une autosuffisance.

Ni le maître n’a une autonomie pure qui ait pu être volée par le disciple ou propre à lui-même. Ni le disciple n’a une originalité radicale due à lui-même. Il faudra savoir reconnaître les flux mimétiques. C’est mieux que les cacher et les ignorer en aidant à provoquer l’injonction contradictoire et la double imitation mauvaise. Plus exactement il faut faire attention au modèle d’autonomie transmis par les maîtres aux disciples. Sans le savoir nous pouvons tendre des pièges aux autres ou tomber dans les pièges des autres (5).

Si nous nous présentons comme self-made-men, qui ne doivent rien à personne, qui sont eux-mêmes en possession de la vérité… qui en définitif n’ont jamais imité personne, nous n’aidons pas les autres. Premièrement parce que c’est faux et, surtout, parce nous allons déclencher le désir des autres pour une fausse image, suscitant de violences mimétiques et compétences rivales. Si je suis fier de me croire unique et original, ce que je suis en train de dire aux autres est : "imite-mois", mais si tu m’imites, mon originalité est remise en cause et cela me gêne, donc : "ne m’imite pas".

Il est plus simple pour le disciple de prendre comme modèle celui qui est capable de reconnaître son mimétisme et, en conséquence, l’aider à s’accepter lui-même en tant qu’imitateur, et ne pas le confondre avec une fausse autonomie "divine". Girard propose l’imitation du modèle divin mais à la manière du christianisme, pour nous protéger des rivalités mimétiques. Ce modèle divin suppose un désir qui n’est pas égoïste, qui est désintéressé. Mais il ne suffit pas d’imiter les bons modèles. Bien que Jésus lui-même soit le modèle, cela n’implique rien puisque l’imitation des autres par rapport à lui, comme dans le cas de ses disciples, peut être un mode d’imitation d’avidité conquérante et un mode d’aliénation du désir (Girard 1982: 1420).

Si c’est cela qui arrive avec de bons modèles, quand nous imitons de faux modèles d’autonomie et d’invulnérabilité (Girard dit que c’est l’habitude et nous pouvons dire que ceci peut être fréquemment l’apparence du modèle de maître), nous ne devenons ni plus autonomes ni plus invulnérables ; au contraire, nous nous laissons entraîner par les rivalités : "Plus nous sommes "orgueilleux" et "égoïstes", plus nous nous asservissons aux modèles qui nous écrasent" (Girard 1999: chapitre I) (6).

Par ailleurs, même si elle n’est pas infaillible, il est très lucide la considération de Jean Michel Oughourlian par rapport aux conditions pour essayer d’éviter les pièges du mimétisme:

"Il faut que le disciple, de son côté, surmonte lui aussi les pièges de la mimétogonie (7), il faut qu’il accepte la leçon, le modelage, il faut qu’il reconnaisse la supériorité de l'autre, l’antériorité de ses idées par exemple sur les siennes propres. Il faut qu’il soit le disciple et qu’il cultive à l’égard du modèle la reconnaissance (aux deux sens du terme) et non le ressentiment. Il faut donc être deux pour éviter la mimétogonie; par son attitude le disciple, à son tour, se met à l’abri de la maladie mentale et du péché…" (Oughourlian 1982: 154).

Pour finir, nous pouvons faire une comparaison entre la "création originale" et le véritable modèle d’autonomie que peut être un maître par rapport à son disciple. Pour Girard, si nous cherchons le principe d’originalité radicale, l’extériorité hors de toute tradition pour créer, alors nous nous trouverons dans le néant, nous ne trouverons rien. En revanche, il n’y aurait de nouveauté qu’à partir de l’imitation (Girard 1994: chapitre VI). De cette manière, on pourrait dire aussi qu’il n´est possible de devenir autonomes qu’à partir de la dépendance, que l’unique idéal d’autonomie susceptible d’être imité pour humaniser et qui rend honneur à là vérité est celui qui se montre comme il est : inscrit dans notre précarité et hétéronomie imitative fondamentales et constitutives. L’hétéronomie du disciple, du maître et de tous (8).



Notas

1. À Marie-Louise Martinez, philosophe de l’éducation, spécialiste dans la mimesis désirante en éducation.

2. Une chose très banale et "le fondement même de tous les rapports entre les hommes". Il fait référence à des psychologues comme : Gregory Bateson, Don D. Jackson o Jay Haley (Girard 1972: 475).

3. Il s’agit du même désir mimétique moteur de la crise sacrificielle et "il détruirait la communauté entière s’il n’y avait pas la victime émissaire pour l’arrêter et la mimesis rituelle pour l’empêcher de se déclencher à nouveau. (…) les règles et interdits de toutes sortes empêchent le désir de flotter au hasard et de se fixer sur le premier modèle venu ; (…) l’ordre culturel empêche la convergence des désirs sur un même objet, il protège plus particulièrement l’enfance contre les effets désastreux du double bind " (Girard 1972: 476-477).

4. P. Antonello et J. C. de Castro mettent l’accent sur l’importance du concept de "conversion" chez Girard, tant d’un côté existentielle comme d’un côté scientifique et anthropologique. Prologue à Les origines de la culture (Girard 2004: 17-19).

5. "La contagion es si générale, dans l’univers de la médiation interne, que tout individu peut devenir le médiateur de son voisin sans comprendre le rôle qu’il est en train de jouer" (Girard 1961: 114-115).

6. Le vaniteux romantique ne se veut plus le disciple de personne et il se croit très original. La spontanéité se fait dogme et aujourd’hui l’imitation la plus fervente est la plus vigoureusement niée nous dit Girard. Au contraire : "Don Quichotte se proclamait disciple d’Amadis et les écrivains de son temps se proclamaient disciples des Anciens" (Girard 1961: 45-46).

7. Dans ce contexte le concept de mimétogonie est équivalent à mimesis conflictuelle, d’accord avec Oughourlian qui cite à Cesareo Bandera.

8. Renoncer à la fausse "divinité" signifie renoncer à l’esclavage. Tous les effets du désir métaphysique sont changés par des effets contraires : le mensonge par la vérité, la haine par l’amour, l’humiliation par l’humilité (Girard 1961: 275).



Bibliografía

Girard, René
1961 Mensonge romantique et vérité romanesque, dans De la violence à la divinité. Paris, Grasset, 2007.
1972 La violence et le sacré, dans De la violence à la divinité. Paris, Grasset, 2007.
1982 Le bouc émissaire, dans De la violence à la divinité. Paris, Grasset, 2007.
1985 La route antique des hommes pervers. Paris, Grasset, 2006.
1994 Quand ces choses commenceront. Paris, Arléa, 2006.
1999 Je vois Satan tomber comme l’éclair. Paris, Grasset, Le Livre de Poche, 2007.
2001 Celui par qui le scandale arrive. Hachette Littératures, 2010.
2004 Les origines de la culture. Paris, Hachette-Littératures, 2006.
2007a De la violence à la divinité. Paris, Grasset.
2007b Achever Clausewitz. Paris, Carnets Nord.
2008 Anorexie et désir mimétique, Paris, L´Herne.

Girard, René (Jean-Michel Oughourlian et Guy Lefort)
1978 Des choses cachées depuis la fondation du monde, dans De la violence à la divinité. Paris, Grasset, 2007.

Oughourlian, Jean-Michel
1982 Un mime nommé désir. Paris, Grasset.

Ramond, Charles
2005 Le vocabulaire de Girard. Paris, Ellipses.


Publicado 07 abril 2015